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Elle vient à vélo quand elle l’a décidé. Elle arrive par le portillon. Devant le bâtiment, face à l’entrée du personnel, elle attend sa collègue et amie avec qui elle partage de temps à autre un ciné. Elle observe le fronton sur lequel sont posées les lettres en capitales de son entreprise. Elles montent les quelques marches du perron avant de se rendre à leur poste de travail. C’est l’heure. D’autres qu’elles au même instant, nombreux, se dirigent vers les sous-sols ou les étages, les machines, l’atelier, les bureaux. Dans cet intervalle du temps de l’embauche, tous filent vers un endroit précis, leur espace, un lieu qu’ils connaissent bien. Ils traversent l’usine, d’autres lieux, qui leur sont également familiers, couloirs, escaliers, passages réservés à la circulation, passerelles. Ils croisent des regards, échangent une poignée de mots, saisissent des mains, reconnaissent les visages. Ça va démarrer. Elles se sont séparées pas loin de la maintenance. Elle a pris sur la gauche puis a tourné vers l’atelier. Presque tout le monde vient d’arriver.

Il s’agit de femmes et d’hommes rejetés par le monde du travail. Ils errent, comme déviés d’eux-mêmes. Ils vont ils viennent on tombe sur eux sans le vouloir, on n’ose pas s’approcher ni leur parler. Là sur le bord de la route, ici au beau milieu du bois. On marche dans la rue, l’un d’eux est là, sur la terrasse, pas loin, dans l’attente, comme suspendu.

Il s'agit aussi de photographies d'espaces désertés, de machines délaissées, d'endroits qui n'existent plus. C’est là. C’était là.